MEDECINS D'AFRIQUE
ONG Internationale des Médecins et Acteurs de Santé pour la Promotion des Soins de Santé Primaires
Article Intervention


Vos compétences sont les atouts de l'Afrique pour son développement socio-sanitaire.
Les questions de santé se dressent avec plus d'acuité encore en Afrique. Les compétences existent à travers le réseau de médecins, pharmaciens, tradipraticiens et scientifiques africains. Il ne tient qu'à nous tous de les fédérer pour les mettre au service du développement socio-sanitaire.




PROTECTION DES PERSONNES VULNERABLE & DEVELOPPEMENT DU JEUNE ENFANT
25.05.2013
RD Congo - Santé reproductive d’urgence dans le Nord Kivu : prise en charge intégrée des fistules
Médecins d’Afrique a débuté en Janvier 2013 en partenariat avec UNFPA grâce à un financement du Pooled Fund un projet d’accessibilité aux services de santé reproductive d’urgence chez les déplacés internes et les populations hôtes dans les zones de santé de Masisi (AS Langira et Ngenge), de Mweso (AS Tambi, Camp Muhanga) et Walikale (Bilobilo) dans la Province du Nord Kivu (RD Congo). Dans le cadre de ce projet, qui concerne plus de 124 000 bénéficiaires, dont 800 femmes survivantes de violence sexuelles, 2 296 femmes enceintes, avec 459 cas de complications liées à la grossesse dont 114 cas de césarienne, 11 300 hommes et 15 500 enfants, l’équipe de Médecins d’Afrique a eu à réaliser une campagne de sensibilisation sur la prévention et la réparation des fistules dans les zones de santé de Walikale et Mweso et a déjà pu prendre en charge 62 femmes souffrant de fistules.

Les ZS de Walikale, Masisi et Mweso dans le Nord-Kivu ont un besoin tout particulier d’intervention pour la réparation des fistules car selon les données du rapport annuel 2011 du Programme National de Santé de la Reproduction (PNSR) de 2011, un nombre élevé d’accouchements ont lieu en dehors de structures sanitaires avec un fort taux de complications. De plus, les différents rapports d’évaluation sur terrain indiquent un nombre important des femmes exposées aux violences sexuelles dans ces zones (Stratégie provinciale, Cluster Santé, Février 2012) et une bonne partie de ces survivantes de violences sexuelles n’ont pas reçu de soins médicaux à temps.

Les fistules obstétricales sont des pathologies traumatisantes dues à la constitution d’une communication anormale entre la vessie et le vagin (fistule vésico-vaginale) ou entre la vessie et le rectum (fistule vésico-rectale) survenant à la suite d’une grossesse compliquée. Elles peuvent être également dues à d’autres causes (viols, mutilations génitales féminines, infections...) mais l’accouchement compliqué en reste la principale cause. Des estimations de 2006 suggèrent qu’au moins 3 millions de femmes dans les pays pauvres ont des fistules vésico-vaginales non réparées et que 30 000 à 130 000 nouveaux cas surviennent chaque année rien qu’en Afrique. Ces fistules entraînent une incontinence urinaire ou une incapacité à contrôler le mouvement de l’intestin. Les femmes souffrant de fistules subissent l’humiliation constante de dégager une odeur d’urine et/ou d’excréments. Il peut aussi leur être difficile de marcher parce que les nerfs des membres inférieurs sont atteints. Elles sont souvent isolées et blâmées de leur état alors qu’elles n’y sont pour rien. Les femmes non soignées risquent aussi de connaître une mort lente et prématurée pour cause d’infection et d’insuffisance rénale.


Stratégies d’intervention

Réparer les fistules et faciliter la réinsertion des femmes nécessite une stratégie intégrée. Dans le cadre de ce projet, notre stratégie se fonde sur 5 axes :
* Communication pour le changement des comportements : les relais communautaires (RECO) des zones de santé concernées ont été briefés sur les fistules, en même temps que les prestataires de santé et la communauté a été sensibilisée sur la prévention et la réparation des fistules. En dehors du travail des relais communautaires, Médecins d’Afrique s’est appuyé sur le partenaire PROCCUDE pour les campagnes afin de sensibiliser la population sur les fistules, pour repérer les femmes ayant besoin d’une intervention chirurgicale et leur permettre une meilleure intégration.
* Recrutement sur la base du volontariat des femmes porteuses de fistules au sein de la communauté, en partant de la liste d’attente dans les zones de santé et des cas rapportés par les relais communautaires.
* Organisation de la campagne de réparation des fistules : préparation matérielle (fiches des patients, intrants), constitution d’une équipe mobile formée d’un gynécologue, du médecin MDA en charge du projet et de 2 infirmiers de l’hôpital de référence pour la sélection des cas et leur acheminement vers le lieu des interventions chirurgicales, constitutions des équipes dans les hôpitaux choisis, renforcement de capacité des équipes retenues.
* Appui à la réinsertion sociale et économique des femmes opérées de fistules.
* Capitalisation de l’expérience : après leur guérison, les femmes qui l’acceptent seront interviewées dans le cadre d’un documentaire réalisé sur le projet, qui servira pour les sensibilisations futures.
Résultats

La sensibilisation sur la prévention et la réparation des fistules a commencé en Février 2013, juste après les formations des prestataires (17 par ZS, soit 51 prestataires) et des RECO (10 par ZS, soit 30 RECO) sur la thématique de la Santé de la Reproduction, notamment les Soins Obstétricaux et Néonataux d’Urgence (SONU), la prévention des violences sexuelles, des IST/VIH-SIDA et des fistules obstétricales. Le lancement officiel de la campagne de sensibilisation s’est fait en présence des autorités administratives et médicales (Administrateur du Territoire Adjoint, Directeur de l’Hôpital Général de Référence, Chef de Cité, ANR, PNC), des partenaires humanitaires (notamment le coordonnateur OCHA), des représentants des communautés religieuses (catholiques, protestants, musulmans, 8ème CEPAC), ainsi que de la population. Un orchestre de la place s’est aussi produit à cette occasion pour donner un caractère festif. Un grand nombre de femmes porteuses de fistules a pu être identifié et sensibilisé, certaines étant déjà connues depuis une campagne précédente de l’ONG Heal Africa menée en Décembre 2012.

La réparation des fistules a débuté le jeudi 04 avril 2013 avec l’équipe d’un chirurgien spécialiste de ces opérations, le Dr Christophe Kimona, qui avait déjà travaillé avec Heal Africa et Dr Patrick-P. L Mananga, chirurgien MDA, 62 interventions chirurgicales ont déjà été réalisées pour la ZS de Walikale. Les premières patientes opérées sont déclarées guéries et prêtes à quitter l’hôpital. La phase suivante pour elles est l’appui à leur réinsertion et le recueil de leur témoignage, afin de pouvoir aider d’autres femmes souffrant de fistules à oser en parler et rechercher de l’aide.

Conclusion

Ce projet, qui a été très bien accueilli par la population, permettra à 62 femmes de retrouver leur santé et leur dignité, ainsi qu’une place dans leur communauté où leur pathologie les faisait mettre à l’écart. Cette dimension sociale des fistules, conséquence directe de la pathologie, rend les problèmes physiques d’autant plus difficiles à vivre pour les femmes fistuleuses. La communication pour le changement des comportements est essentielle pour ne pas ajouter le fardeau de l’isolement à celui de la souffrance physique. Des projets intégrés comme celui-ci doivent absolument être systématisés dans les zones où les conditions d’accouchement et le contexte sécuritaire favorisent les cas de fistules et ils ne doivent pas s’arrêter à l’aspect médical, il est fondamental d’accompagner les ex-fistuleuses dans leur réinsertion sociale.
photoIntervention